1. |
Déluge
06:01
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Jour 13 : Déluge
Parqué parmi les rats, puant la mort,
Je nage entre les selles et les vomissures.
Ballotté par les flots, blâmant mon corps,
Une coque en acier sera ma sépulture.
Mes membres rigides, humides et froids,
La peau blême et le teint morne ;
Ma vie s'abîme, vague après vague,
Dans un gouffre dont je suis la proie.
Et lorsque l'orage gronde et rompt
Le plus interminable des silences,
L'océan s'agite, implacable,
Telle une mère despotique.
Elle tourbillonne autour de moi
Comme une flamme à son flambeau ;
Défunte violente et pétulante
Qui agiterait son linceul.
J'aimerais pouvoir en finir,
Remettre mon obole à Charon.
Vous rendre la monnaie d’votre pièce,
Et pourquoi pas bruler en Enfer.
Mais la toute puissante mer,
Matrone rude et véhémente,
Me couve de tout son corps.
Et j'lui serai fidèle jusqu'à la mort.
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2. |
L'épave
05:01
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Jour 14 : L'épave
Étendue au bord de l'eau
Gît la dépouille d'un homme,
Dont le râle ne sonne plus
Et les paroles sont écume.
Déchet vomi par la mer,
Les os brisés par la houle,
Il repose sur un lit d'algue
Comme un vieillard endormi.
Piteusement vêtu de haillons,
Corps gonflé, gueule édentée,
Il essuie les assauts des vers
Et des crabes qui le bectent.
Ses deux orbites vides forment
Deux grands fonts baptismaux
Où les oiseaux noient leurs becs
Telles des veuves aux doigts secs.
Une foule pullule à présent
Autour de l’homme décrépit ;
Des corbeaux autour d'une proie
Prenant part à ce gueuleton.
Étendue au bord de l'eau
Gît une carcasse informe.
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3. |
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Jour 17 : Comme une clope dans un cendar
Les rues d'la ville, crasseux boyaux,
Où des nuées aux regards creux
Pelle en main, creusent des caveaux,
Pour y déposer leurs vieux os.
Echines courbées, corps rachitiques,
Arthrites, passif, vies frénétiques,
Pour se payer une concession
Dans le cimetière du canton.
Au chant du coq, soupirs plaintifs,
Godasses trouées, pas convulsifs,
Ne manque que l’cliquetis des chaînes
Pour conduire cette danse tragique.
Regards usés, gueules d'affamés,
Les lèvres scellées, émasculés,
Ces hommes hagards, devenus bétail,
Se consument comme un feu d'paille.
Comme une clope dans un cendar.
Entendez-vous dans les faubourgs
Les échos de leurs songes noirs ?
Leurs existences se consument
Comme une clope dans un cendar.
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4. |
Le soir
04:41
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Jour 31 : Le soir
Ma fenêtre ouverte sur le monde,
Un litre de rouge dans le sang,
Je dévisage la ville moribonde ;
Ses trublions, ses passants.
La brise fraîche de la nuit caresse
Ma bobine étourdie par l'alcool.
Imite les doux baisers d'ma blonde ;
Souvenirs noyés dans la gnôle...
Je broie du noir dans mon caveau,
Comme un félin dans son cachot,
Remuant mon vieux squelette
Que la mort daignera bercer.
Des jours à traîner mes guêtres.
Des soirs pour refaire surface,
Les corbeaux comme potos d'comptoir...
Je croasse.
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5. |
Interlude
00:57
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6. |
L'amer
05:20
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Jour 32 : L'amer
Je suis l’amer, le rance, le fade,
Un beau jour tombé en rade.
Je suis le néant, impalpable...
Evaporé, navire inabordable.
Je suis l’amer, le rance, l’âpre ;
Maitre de mon destin, indomptable.
L’esprit vicié, la mine terreuse ;
Chez les aseptiques, fruit véreux.
Je suis la crasse qui couvre
La face grise du miséreux,
Seigneur d’un fief sans âmes,
Sans cour ni homme d’armes.
Dans mes cathédrales résonnent
Point d’orgues ni de trompettes.
Mes choristes sont des crapauds ;
Leurs chants louent vos sanglots.
Des germes sont mes remèdes,
Des malades mes médecins,
Et mes vierges des catins
Qui vous accueillent entre leurs reins.
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7. |
Suzanne
05:52
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Jour 57 : Suzanne
Les yeux noirs pétrole, souffle mazouté.
Saveur mégot, veines en lambeaux.
Suzanne n’avait rien d’une reine.
Plutôt l’genre à faire de la peine.
Les bras poinçonnés jusqu’aux os.
Il n’fallait pas avoir de pot
Pour s’retrouver dans son plumard.
Tant Suzanne nous foutait l'cafard.
Dissimulant sa jambe de bois
Qu'aucun amant ne saurait voir,
Elle tapinait jusqu'à bien tard
À la recherche d'une nouvelle proie...
Fallait bien une dernière gorgée
Pour se réchauffer l'œsophage.
Pour se donner un peu de courage.
Tant Suzanne nous foutait l'cafard.
La fleur de sa virginité
Depuis bien trop longtemps fanée.
Son corps usé, ses lendemains,
Ses soupirs à l'haleine morte.
Y en a plus d'un qui y clamsa,
Y en a plus d'un qui n'reviendra.
De cette chambre, de ce mouroir.
Tant Suzanne nous foutait l'cafard.
Comme une fosse à l’herbe haute
Où nul n’ose s’aventurer,
Son fruit devint infréquenté
Et ses draps couverts de ronciers.
La vilaine sombra dans l’oubli,
Au bout d’une longue agonie,
Devenue l’graillon des clébards.
Des charognards et d'nos cafards.
Quand vint l'moment d’lui dire adieu,
D’enfin planter les derniers clous.
Je plains les vers qui se joignirent
A ce festin au fond d’un trou.
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8. |
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04:44
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Jour 87 : _
Soleil noir. Jours boueux. Obsessions et rêves sombres. Dans ma tête… Grouillent. Grouillent... Comme des rats sur les quais de l’Arsenal. Comme des blattes qui choient, de marche en marche, jusqu’au perron de mes illusions.
Au milieu de ma geôle sur mon chevalet trône la partition d’une ballade pour trombone. Quelques notes, des accords, pour conduire ma prochaine mort. Je prends un bain d’tristesse, dans ces murs, ma forteresse ; capitaine d’un navire qui prend l'eau. Et gratte avec mes ongles les parois d’cette prison qui me couve, et m’oppresse.
Janvier m'a offert la vie. Un cadeau si cruel. Qu'il m’accorde un lit de feuille morte et de neige pour étaler sans peine ma dépouille funèbre.
Qu’on me conduise au gibet. Qu’on me pende, même par les pieds. Et qu’on traine ma vieille carcasse au Père-Lachaise ou Montparnasse…
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